1) J'ai été obligé de m'arrêter : mon coeur battait au point de repousser la table sur laquelle j'écris. Les souvenirs qui se réveillent dans ma mémoire m'accablent de leur force et de leur multitude : et pourtant, que sont-ils pour le reste du monde ?
2) Une chose m'humilie : la mémoire est souvent la qualité de la sottise ; elle appartient généralement aux esprits lourds, qu'elle rend plus pesants par le bagage dont elle les surcharge. Et néanmoins, sans la mémoire, que serions-nous ? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos plaisirs, nos affaires ; le génie ne pourrait rassembler ses idées ; le coeur le plus affectueux perdrait sa tendresse, s'il ne s'en souvenait plus ; notre existence se réduirait aux moments successifs d'un présent qui s'écoule sans cesse ; il n'y aurait plus de passé. O misère de nous ! notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre mémoire.
3) Notre vanité met trop d'importance au rôle que nous jouons dans le monde. Le bourgeois de Paris rit du bourgeois d'une petite ville ; le noble de cour se moque du noble de province ; l'homme connu dédaigne l'homme ignoré, sans songer que le temps fait également justice de leurs prétentions et qu'ils sont tous également ridicules ou indifférents aux yeux des générations qui se succèdent.
4) Ceux qui me traitent d'hypocrite et d'ambitieux me connaissent peu : je ne réussirai jamais dans le monde, précisément parce qu'il me manque une passion et un vice, l'ambition et l'hypocrisie. La première serait tout au plus chez moi de l'amour-propre piqué ; je pourrais désirer quelquefois être ministre ou roi pour me rire de mes ennemis, mais au bout de vingt-quatre heures je jetterais mon portefeuille et ma couronne par la fenêtre.
5) Je remontai la chaussée de l'étang ; je vis les roseaux de mes hirondelles, le ruisseau du moulin et la prairie ; je jetai un regard sur le château. Alors, comme Adam après son péché, je m'avançai sur la terre inconnue : le monde était tout devant moi : and the world was all before him.
6) Toutes les âmes n'ont pas une égale aptitude au bonheur, comme toutes les terres ne portent pas également des moissons.
7) Respectons la majesté du temps ; contemplons avec vénération les siècles écoulés, rendus sacrés par la mémoire et les vestiges de nos pères ; toutefois n'essayons pas de rétrograder vers eux, car ils n'ont plus rien de notre nature réelle, et si nous prétendions les saisir, ils s'évanouiraient.
8)Les Américains ont déjà porté trop longtemps de suite la couronne d'olivier : l'arbre qui la fournit n'est pas naturel à leur rive.
9)Il paraît qu'on n'apprend pas à mourir en tuant les autres.
10) Madame Roland avait du caractère plutôt que du génie : le premier peut donner le second, le second ne peut donner le premier.
11)J'étais un de ces hommes qui attendent l'événement pour se décider.
12) [...] tant les hommes et les empires passent vite ! tant la renommée la plus extraordinaire ne sauve pas du destin le plus commun !
13)La foule est trop légère, trop inattentive pour se donner le temps, lorsqu'elle n'est pas avertie, de voir les individus tels qu'ils sont. Quand, par hasard, j'ai essayé de redresser quelques-uns de ces faux jugements dans mes préfaces, on ne m'a pas cru. En dernier résultat, tout m'étant égal, je n'insistais pas ; un comme vous voudrez m'a toujours débarrassé de l'ennui de persuader personne ou de chercher à établir une vérité. Je rentre dans mon for intérieur, comme un lièvre dans son gîte : là je me remets à contempler la feuille qui remue ou le brin d'herbe qui s'incline.
16) Quoi de plus doux que l'admiration ? c'est de l'amour dans le ciel, de la tendresse élevée jusqu'au culte. On se sent pénétré de reconnaissance pour la divinité qui étend les bases de nos facultés, qui ouvre de nouvelles vues à notre âme, qui nous donne un bonheur si grand, si pur, sans aucun mélange de crainte ou d'envie.
17) Dans tous les cas, j'ai assez écrit si mon nom doit vivre ; beaucoup trop s'il doit mourir.
18) Regardant la statue de Napoléon sur la colonne de la place Vendôme, il dit : " Si j'étais élevé si haut, je craindrais que la tête ne me tournât.
19) Alexandre I: "Regardant la statue de Napoléon sur la colonne de la place Vendôme, il dit : " Si j'étais élevé si haut, je craindrais que la tête ne me tournât. "
20) Alexandre I. "Comme il parcourait le palais des Tuileries, on lui montra le salon de la Paix : " En quoi, dit-il en riant, ce salon servait-il à Bonaparte ? "
21) Alexandre I: "On lui proposait de changer le nom du pont d'Austerlitz : " Non, dit-il, il suffit que j'ai passé sur ce pont avec mon armée. "
A leggersi: Confessions mal faites (Jean-Christophe Cavallin)
Nessun commento:
Posta un commento